Auteur :
Philippe
Pour pouvoir prendre soin de ma colère, je porte mon
attention sur ma respiration et regarde profondément en moi.
Le faisant, je peux remarquer la présence d’une énergie
spécifique, que l’on appelle colère.
Ensuite je reconnais avoir besoin d’une énergie
différente, qui prendra soin de ma colère, et j’invite
cette énergie à se manifester pour effectuer le
travail. Cette deuxième énergie a pour nom «pleine
conscience».
Chacun de nous
L’énergie
de la libération a en soi la graine de la pleine
conscience. Si nous apprenons à entrer en contact avec cette
graine, l’énergie qu’elle renferme se libérera peu
à peu, et l’énergie de la pleine conscience ainsi
générée nous servira à bien prendre soin
de l’énergie de la colère.
La pleine conscience est une énergie nous permettant de
distinguer ce qui se passe à l’intérieur de
nous-mêmes.
Tout le monde est capable de réaliser la pleine conscience.
Simplement, ceux qui la pratiquent quotidiennement y parviennent plus
facilement que ceux qui n’ont aucun entraînement. Mais, comme
nous l’avons dit précédemment, ces derniers possèdent
eux aussi la graine de la pleine conscience, dont l’énergie
reste toutefois très faible. Mais il suffit de trois jours
consécutifs de pratique pour constater qu’elle est déjà
un peu plus forte.
La pleine conscience peut se pratiquer en n’importe quelle
activité, aussi banale soit- elle. Par exemple, le fait de
boire un verre d’eau en sachant que l’on boit de l’eau, en ne
pensant à rien d’autre à ce moment-là, c’est
boire en toute conscience. Si l’on se concentre sur l’eau qu’on
boit avec tout son être, le corps et l’esprit, il y a pleine
conscience, il y a concentration totale, de sorte que l’acte de
boire peut être défini comme un acte effectué en
pleine conscience. Dans ce cas, l’on ne boit pas seulement avec sa
bouche, mais avec son corps tout entier, et avec son esprit. Tout le
monde est apte à boire de l’eau en toute conscience. Lorsque
j’étais novice, mon maître m’a enseigné à
boire de cette façon-là.
De même, il est possible de marcher en toute conscience,
n’importe où et n’importe quand. En marchant, si l’on
concentre toute son attention sur l’acte lui-même, sans
penser à rien d’autre, si l’on est présent à
chacun de ses pas, cela signifie que l’on marche en toute
conscience. Et c’est une façon de marcher merveilleusement
efficace. Si vous marchez de cette façon-là, chaque pas
vous apportera de la solidité, un sentiment de liberté
et de dignité. Ainsi vous obtenez la maîtrise de
vous-même.
Chaque fois que je vais d’un endroit à un autre, je
pratique la méditation marchée – même si les
deux endroits ne sont séparés que de dix ou douze
mètres. Chaque fois que je monte ou descends un escalier, je
pratique la méditation marchée. Chaque fois que je
monte à bord d’un avion, je pratique la méditation
marchée. Chaque fois que je vais de ma chambre aux toilettes,
je pratique la méditation marchée. Chaque fois que je
vais à la cuisine, je pratique la méditation
marchée.
Je ne sais plus marcher autrement qu’en toute
conscience. Et cela m’est d’une grande aide : cela me transforme,
me guérit et me procure de la joie.
L’on peut également pratiquer la pleine conscience au
cours des repas. Le fait de manger en toute conscience peut être
l’occasion de beaucoup de joie et de bonheur.
Dans ma tradition, manger est considéré être
une pratique spirituelle, une pratique très profonde. Pour
commencer, prenez une position stable et posez les yeux sur la
nourriture dans votre assiette. Ensuite souriez à cette
nourriture. Dans cette nourriture, voyez un ambassadeur venu du ciel
et de la terre. Regardant un plat de haricots verts, j’y vois
flotter des nuages; j’y discerne la pluie et le soleil. Je
comprends que ces haricots verts sont constitués d’éléments
à la fois terrestres et célestes.
Lorsque je commence à mâcher une cuillerée de
haricots verts, j’ai conscience d’avoir mis dans ma bouche des
haricots verts. Il n’y a rien d’autre dans ma bouche à ce
moment- là – ni ma souffrance ni ma peur. Lorsque je mâche
des haricots verts, je ne fais que mâcher des haricots verts –
je ne remâche ni mes inquiétudes ni ma colère. Je
mâche les haricots verts avec grand soin, avec cent pour cent
de ma personne. Je me sens relié au ciel, à la terre,
au paysan qui a fait croître les haricots verts, au cuisinier
qui les a fait cuire. En mangeant de cette façon-là, je
sens que la solidité, la liberté et la joie sont choses
possibles. Ce repas ne nourrit pas seulement mon corps,il nourrit
aussi mon âme, ma conscience et mon esprit.
Extrait de Soyez libre là où vous êtes, Thich
Nhat Hanh